Je crois, il me semble, que www.prepagrimpe.com a 5 ans. C’est donc un mini-anniversaire en quelque sorte. De quoi alimenter un « blabla de coach » sur le blog, de mettre en lumière des mails envoyés, des questions qui reviennent souvent par écrit ou à l’oral, et bien évidemment de se projeter dans l’avenir.
Que s’est-il passé jusqu’à la création du site ? Quel était mon état d’esprit, à l’époque ?
5 ans (encore !), cela faisait 5 ans en 2009 que j’entraînais à plus ou moins haut niveau, plus ou moins bien aussi. J’étais un bénévole de l’ombre, j’ai fait quelques bêtises, notamment (il faut passer aux aveux) entraîner dans le dos du pôle espoir. C’était stupide, mais j’avais envie de comprendre un peu mieux l’entraînement, l’entraînement de ceux que j’appelais « les forts » et qui me demandaient de les suivre « discrètement ».
Tout est parti d’une discussion dans un pan privé, une rencontre totalement improvisée par un homme admirable, un kiné hors norme, un ami aussi. J’étais encore étudiant en STAPS. J’ai immédiatement compris le fossé immense qui existait entre mes cours et la réalité, sur le terrain. Et bizarrement, j’étais incapable de choisir mon camp : d’un côté l’enseignement de la faculté me rendait plus sûr de moi, et de l’autre j’admirais l’expérience inestimable des entraîneurs fédéraux. En bon français un peu trop « pédagogue » et fier de l’être (et oui, nous avons parfois cette image dans quelques pays lointains…), un peu têtu, un peu prétentieux, j’ai choisi pour la première fois de me lancer corps et âme dans l’entraînement empirique.
Le site est né quelques années plus tard, il faisait suite à un petit fichier excel « fait maison » que je distillais de temps à autre à quelques amis demandeurs. Ce document est donc devenu visible sur le net. C’était sans aucune prétention bien évidemment, mais j’avais conscience que je tenais peut-être une once de vérité dans mon expérience. Je ne voulais plus voir dans les salles d’escalade d’excentrique sur les adolescents, des séries d’abdominaux destructrices, et j’avais réussi à nuancer quelques contenus théoriques appris sur les bancs de la fac. C’est avant tout pour ça que j’ai créé le site, pour partager mes connaissances, sans toutefois oser faire la moindre publicité sur la toile…
Le partage a été étrangement accueilli. C’était tout noir, ou tout blanc. Les mails étaient magiques d’un côté, car riches en échanges, en remarques, en remises en questions. D’autres l’étaient nettement moins, plus agressifs, avec quelques coups bas pour me remettre à ma place, notamment chez les compétiteurs. J’ai pourtant choisi de continuer. C’était un véritable don d’une partie de moi, je ne cherchais pas la gloire, ni la reconnaissance de qui que ce soit. Me faire connaître ? Pourquoi ? J’avais un emploi stable, je gagnais bien ma vie, je faisais des heures et des heures au travail, et je ne pouvais me permettre de suivre beaucoup de grimpeurs en complément de mon métier.
Et depuis la création du site ?
J’ai vu de mes propres yeux un véritable « boom » sur le site. En 2011, j’ai choisi de réduire ma charge de travail, de changer de métier pour me libérer encore plus de temps et entraîner, toujours bénévolement en escalade, et dans l’ombre. En 2013, j’ai pris la décision de mettre fin au bénévolat, « tout travail mérite salaire », mais c’était aussi une façon de justifier ce temps investi auprès de ma famille. En moi germait une idée un peu folle : peut-on vivre de la préparation physique ou de l’entraînement en escalade, hors système fédéral ou structure privée ou associative ? Non, bien sûr. Il ne pouvait s’agir que d’un complément de salaire (ou même d’une perte par rapport au métier d’origine !). La passion l’a emporté, j’ai mis en ligne mes tarifs sur le site. Au fil des mois, les demandes ont progressivement augmenté. Avec des formules oscillant entre 30 et 60€ par mois en moyenne, il me faut suivre 40 grimpeurs pour espérer gagner un smic… Savez-vous ce que représente cette charge de travail ? Des sacrifices, beaucoup de sacrifices, jusqu’à préférer l’entraînement à la grimpe elle-même. Ne plus grimper, ou trop peu grimper.
Pourquoi avoir pratiqué des tarifs aussi bas en escalade ? Ah…ce fameux « boom ». Avant 2014, « personne » ne s’intéressait à la préparation physique. Ou pas grand monde. J’étais bien plus sensible aux projets sportifs qu’à l’argent trop facilement mis sur le tapis par certains grimpeurs plus fortunés mais sans temps pour grimper ! Alors, c’était génial, une dizaine de grimpeurs par mois se sont lancés dans l’aventure. Oui mais voilà, le site a explosé, en passant de 20 visiteurs uniques par jour à 600, le bouche à oreille a fait son effet. Depuis octobre 2014, j’ai en moyenne une demande d’entraînement par jour, avec quand même une véritable prudence qui revient sans cesse : « oui mais c’est quand même cher, ça vaut vraiment le coup tu penses ? ». Alors, augmenter mes tarifs ? Non. Et le haut niveau ? Comment pensez-vous que les grimpeurs me paient dans un sport non arrosé par les sponsors, et en plus dans un cadre « hors fédération » ? Le rapport temps investi / je paie mon loyer est mal engagé de ce côté-là…
A ce jour, j’ai encore baissé ma charge de travail pour accepter plus de demandes d’entraînement. En vain, j’ai atteint une limite raisonnable, qui consiste à ne pas fuir la qualité au profit de la quantité. Voilà, c’est officiel sur le site : je n’accepte plus personne…
Le « boom » se fait-il ressentir au-delà de www.prepagrimpe.com ?
Il faut se rendre à l’évidence, oui. D’ailleurs, à l’étranger ou même en France, on voit des sites fleurir sur la toile, des stages se remplir. Qu’on se le dise, je valide et sur-valide (en langue française) deux entités : le Team Kyou, et la Fabrique Verticale, pour la qualité de leur travail, leur passion, et leur état d’esprit.
Le « boom » est là, oui, car même si je reste dans l’ombre, je suis parfois reconnu dans certaines salles. Allez pourtant trouver une photographie récente de moi sur le site. Et forcément, tout ce qui va avec : on me pose des questions, j’y réponds volontiers d’ailleurs car j’aime cela. Oui, mais j’y réponds sur mon temps à moi, personnel, de grimpeur modeste qui court après les créneaux pour revenir dans un niveau convenable !
Les salles d’escalade semblent proposer des services d’entraînement personnalisé, des formules, on commence à voir de la préparation physique un peu partout. Et puis, parallèlement, la préparation mentale explose. L’intérêt est donc grandissant pour l’entraînement en général, le nombre de grimpeurs augmente, les formations sont de plus en plus qualitatives.
Alors, quel avenir pour www.prepagrimpe.com ?
Je suis ouvert aux remarques, notamment à la plus sensible d’entre elles : les photos et vidéos sur le site, car il en manque grandement ! Et oui, ça paraît facile de mettre des médias pour illustrer, mais encore faut-il avoir le temps. Le site est totalement gratuit, je l’alimente en permanence. Prendre le temps d’aller faire des photos ? Pas simple !
Certains me disent parfois que tout ce que je fais m’apporte des clients. Après la lecture de cet article, je leur serais très reconnaissant de bien vouloir reconsidérer leur propos. Non, je ne cherche personne, j’oriente même volontiers vers d’autres entraîneurs.
Se pose alors l’éternelle question de la tarification (et sûrement pas celle de savoir pourquoi je n’ai pas mis des tarifs plus élevés dès le départ !). Oui, il y a de la place, le créneau est libre pour beaucoup d’entraîneurs indépendants. Foncez, vous pouvez. Mais que faire ? Augmenter les prix, vraiment ? Faire appel à des sponsors financiers (et non matériel !) ? Se diversifier (toujours en escalade) : formations, conseils… ? Demander aux grimpeurs de faire la démarche eux-mêmes, par exemple avec le sponsoring sportif participatif ? Créer un organisme de formation ? M’associer ? Ou simplement continuer à faire ce que je fais, c’est-à-dire facturer plus cher dans d’autres disciplines, ou donner des cours, ou vendre quelques photos de temps à autre ? J’aimerais tant me consacrer exclusivement à l’escalade. Mais est-ce possible ? J’en doute.
Alors, lorsque tous les sites lancés récemment sur la toile auront monté leurs propres business, que restera-t-il de www.prepagrimpe.com ? Peut-être pas grand-chose, un clic pourrait suffire à le réduire en bouillie… Ce n’est pas la demande qui manque, mais la rémunération qui va avec.
Je rêve de monter un « team prepagrimpe », pour quelques sportifs de haut niveau, mais pas seulement, pour des grimpeurs dont les projets me font rêver : Yosemite, Red rocks, Madagascar, Népal…Je rêve de pouvoir accompagner quelques grimpeurs passionnés jusqu’au DEJEPS, jusqu’à l’aspirant guide. Mais tout seul, je ne le pourrai pas. Il va falloir qu’il se passe quelque chose de grande ampleur. Mais nous sommes dans le « boom ». Que nous réserve-t-il ?
Patience ? Patience…
Ce qui est sûr, c’est que la passion est intacte, même grandissante. Alors, j’irai jusqu’au bout avec vous tous ! Merci encore pour les échanges et certaines amitiés inestimables.
En attendant, je « planche » sur le sujet !