Planifier uniquement l’escalade
Si la partie physique n’est pas toujours maîtrisée, y compris à haut niveau, ce n’est pas le cas de la partie technique, très approfondie, très étudiée aussi. D’ailleurs, on entend souvent les meilleurs techniciens dire que le physique ne sert à rien… mais ils sont les premiers à se plaindre quand ils n’arrivent pas à enchaîner une voie, et se cachent souvent derrière une phrase magique « ouai mais ça, c’est pas de la grimpe », ou encore « c’est de la gymnastique ». En fait, vous l’aurez compris, il faut trouver un équilibre, accepter d’écouter les techniciens et les préparateurs physiques, et ne surtout pas chercher à défendre telle ou telle catégorie. Leur travail est complémentaire, c’est aussi simple que cela ! Cette planification est vraiment dédiée aux entraîneurs. Certains l’oublient trop souvent, le cœur du métier d’entraîneur, c’est la technique et la tactique… pas le physique. Alors on peut tout de même se poser la question de savoir pourquoi sur certains stages on propose aux grimpeurs des parcours de la mort, un mois avant une compétition. Pour tester leur motivation ? Étrange non ? Pourquoi ne pas s’orienter sur un travail plus qualitatif ? Pourquoi ne pas leur apporter des ouvertures basées sur le kinesthésique par exemple ? La technique est primordiale, il faut l’aborder avec beaucoup de considération, après maintes réflexions ; il ne s’agit pas de mettre des thématiques dans des cases, mais de les placer méthodiquement. Il faudrait bien des ouvrages pour développer cette partie, nous irons donc à l’essentiel. D’autre part, sur Internet ou dans les ouvrages spécialisés, vous ne manquerez pas de données pour construire vos séances de manière qualitative !
Planifier l’escalade, et uniquement l’escalade
C’est souvent une première forme de planification, on cherche à placer différentes séances de blocs, de voies courtes ou longues, en milieu naturel ou en SAE… les unes par rapport aux autres. Nous avons cette chance en escalade, les profils et les mouvements sont tellement variés qu’ils permettent une progression permanente, à partir du moment où on accepte de sortir de son « domaine de prédilection » !
Évidemment, même si vous ne planifiez pas le travail physique, vos séances vous fatigueront plus ou moins, il faudra donc apprendre à noter tout ce que vous faites pour analyser ce qui s’est passé.
Rappel : les séances de « rési » appartiennent à la planification physique. De toute façon, on ne les place jamais totalement au hasard, c’est donc la preuve que la 1ère couche du PAD doit être le physique.
La question est donc : une fois que j’ai planifié mes séances ou mes cycles de rési, comment aborder le reste ? Le reste, c’est surtout dans ce cas de figure le bloc ! C’est en tout cas ce qui coûtera le plus au niveau nerveux (contrairement aux grandes voies, aux séances de récupération faciles…). Et la conti ? La continuité, c’est en quelque sorte la capacité que l’on a à récupérer entre deux efforts de « rési ». Le travail de continuité devient rapidement un travail de « rési », prudence… à vous de l’inclure aux moments opportuns, mais ne négligez pas son coût énergétique. Revenons donc à la problématique du bloc.
Plusieurs options :
1 Vous faites un cycle de « rési » : prévoyez un cycle de bloc après (3 semaines), voire deux, ainsi que quelques séances de bloc dans la semaine (par exemple 2 séances de « rési » + 1 séance de bloc). Pour optimiser, laissez au moins 48 h de repos entre les séances de « rési » (idéalement 3 jours).
2 Vous faites une séance de « rési » par semaine : à part au début de votre entraînement, vous ne ferez qu’entretenir une base. C’est intéressant pour les grimpeurs polyvalents, dans ce cas la problématique du bloc ne se pose pas puisqu’ils se retrouveront dans toutes les autres séances !
3 Vous faites des séances mixtes : bloc, puis « rési » : plus difficiles à planifier, mais très efficaces lorsqu’elles sont maîtrisées. Un conseil, ne faites pas plus de 2 séances avec de la « rési » par semaine. Si vous avez vraiment un objectif de ce côté-là, faites plutôt un vrai cycle pour augmenter le volume (jusqu’à 9 voies dans son niveau max par exemple). Deux fois par semaine, commencez donc par du bloc, finissez-vous par 2 ou 3 « circuits ». Le reste du temps, restez sur du bloc. Cette manière de planifier est une alternative intéressante entre le pur cycle de « rési » et « l’entretien » de son niveau en voies. Prévoyez quand même de faire un petit break de quelques semaines (3 en moyenne) pour espérer avoir un effet de surcompensation. Les séances mixtes sont donc intéressantes, mais elles demandent une bonne connaissance de soi.
Voilà un début de réponse concernant l’organisation entre bloc et « rési ». À vous d’expérimenter et surtout de foncer sur de la gestuelle !
La planification par « périodes » :
Il est assez fréquent de trouver des planifications avec par exemple 3 semaines de blocs, puis 3 semaines de « rési ». En effet, il faut souvent 2 à 4 semaines pour que le corps tire les bénéfices d’un effort, ou d’une qualité technique. Plutôt que de se contenter de planifier du bloc, essayez déjà de distinguer les séances qui seront plus ou moins coûteuses nerveusement (mouvements intenses, dévers sur petites prises, etc.) et celles qui le sont moins (travail en dalle sur les pieds, certains jetés, etc.). Sans rentrer dans la planification purement technique (développée un peu plus loin), on peut déjà organiser sa séance : le travail de sensation à la fin de l’échauffement, des blocs plus intenses, puis par exemple des mouvements plus aléatoires. Vous pouvez aussi inscrire sur votre planification « blocs explosifs » pendant 3 semaines, ou « blocs à dominante gainage », etc. Cela ne signifiera pas que vous allez forcément faire des exercices spécifiques, mais que vous donnerez suffisamment de temps à ces thématiques pendant quelques semaines pour les développer. Encore une fois, évitez de faire trop d’improvisation. Bien évidemment, et c’est souvent le profil des grimpeurs qui planifient de cette manière, gardez votre état d’esprit : faites-vous plaisir, avant tout. Ne faites pas que des jetés, mais faites-en. Ne faites pas que des traversées.
Explorer les extrêmes :
Il ne faut surtout pas s’enfermer dans une spécialité, ou un profil. Si vous envisagez de faire du bloc technique sur votre planification, allez plus loin : quels profils ? Quand ? Combien d’essais ? Combien de blocs ? N’hésitez pas à explorer les extrêmes, des mouvements presque introuvables dans la nature en début de cycle, pour finir dans du spécifique. Par exemple, ouvrez-vous des blocs en traversées uniquement sur inversées en début de cycle. Plus les jours passeront, plus vous vous rapprocherez de ce qu’on trouve en compétition ou en milieu naturel. Évidemment, cela demande un peu de créativité !
Ne pas surcharger :
Même si l’effort ou le travail technique n’est pas coûteux nerveusement ou énergétiquement, imposez-vous des breaks. C’est comme ça que le cerveau apprend. Il faut le stimuler, et le laisser travailler tranquillement. N’avez-vous jamais remarqué que dans l’apprentissage, on observe parfois des phases de régression avant de progresser à nouveau ?
Varier :
Faire du bloc ou de la « rési », c’est bien, mais ça ne suffit pas ! Pensez à varier les prises, les lieux, les styles, et même les partenaires de grimpe.
Intensité/volume :
Même sans planifier le physique, il vous faudra apprendre à maîtriser le volume et l’intensité dans votre entraînement. Inspirez-vous du chapitre sur la préparation physique, faites des rapprochements : isométrie totale et circuits, no foot et stato/concentrique, blocs en toits et montées de planches, etc. Estimez les effets, les récupérations nécessaires, les surcompensations. Ce qui est certain, c’est qu’il faut souvent augmenter son volume de grimpe pour encaisser un cycle avec une intensité plus élevée. Encore un avantage pour la planification de la préparation physique en tout premier lieu !
Planifier la technique :
Vous l’aurez compris, il s’agit d’approfondir ce que nous avons vu dans le précédent chapitre. Les principes sont les mêmes, vous allez juste rentrer un peu plus en détail dans les thématiques techniques, les organiser les unes en fonction des autres.
La construction de la séance :
Le rythme d’une séance est important, car qui dit planifier dit imposer quelques exercices… et donc s’exposer à de la lassitude, des problèmes de motivation, de concentration, etc. C’est une véritable formation qu’il faut avant de maîtriser tout cela ! Néanmoins, s’il s’agit de votre propre planification, vous aurez moins de problèmes que si vous animez une séance collective ! Autrement dit, cela signifie que vous devrez alterner entre les phases dynamiques, et les phases plus tranquilles.
Finir par du spécifique :
Attention, les puristes de la technique ont tendance à être un peu trop obsédés par le travail ! Si vous entraînez, laissez toujours une place immense à la pratique libre, au plaisir de grimper. Les exercices, c’est sympathique, mais il faut quand même profiter des moments d’escalade. Même principe pour les exercices, essayez de les terminer toujours en haut d’une voie ou d’un bloc, rien de plus frustrant pour un « coaché » que de s’arrêter en plein milieu…