Planifier
Vision globale et vision partielle de la planification
Pour planifier, vous allez rapidement avoir besoin d’un outil très visuel. Il vous permettra d’avoir un aperçu de la planification sur plusieurs mois, notamment pour les cycles déjà effectués. En en coup d’œil, vous aurez donc la possibilité d’expliquer ce que vous voyez sur le terrain, mais aussi d’anticiper les futures thématiques.
Combien de cycles de rési ? Combien en concentrique maximale ? Combien en gainage ? Et surtout, depuis quand ? Combien de temps ont-ils duré ? Lorsqu’on commence à avoir des planifications très longues (c’est déjà le cas sur un an !), il faut pouvoir faire « réapparaître » des cycles dont les délais de surcompensation sont importants (par exemple l’isométrie maximale).
Les tableurs sont excellents (type Excel), parce qu’ils permettent d’avoir un aperçu général de la planification sur un premier onglet, et de créer ensuite un onglet pour chaque numéro de semaine. Autant vous dire que les grimpeurs attacheront de l’importance à leur quotidien, et non à la planification générale ! Trouver, créer un outil pour avoir à la fois une vision partielle et globale de la planification n’est pas simple. Il vous faudra faire des essais. L’immense avantage des tableurs, c’est aussi la possibilité d’insérer des lignes (de nouvelles méthodes par exemple !), ou d’en supprimer, des colonnes, de rentrer quelques formules plus ou moins complexes. Attention à ces dernières, n’y passez pas trop de temps, car en général c’est un véritable casse-tête quand on s’y replonge plusieurs mois après (typiquement quand on modifie le document !).
On peut bien évidemment fonctionner « à l’ancienne », version papier, mais ça devient compliqué de garder des traces, d’archiver, et ce n’est pas très écologique !
Certains fonctionnent encore beaucoup avec des logiciels de traitement de texte (type Word). S’ils semblent plus simples d’utilisation au début, ils deviennent très vite compliqués dès qu’on veut « s’éloigner » d’une mise en page classique : manipuler des tableaux, insérer des colonnes, des images, avoir une vision large de la planification, etc.
Les dominantes
Il ne faut pas chercher tout de suite à vouloir tout faire, et surtout pas en même temps ! C’est tout le but d’une planification, faire des choix, dégager des priorités, et les organiser les uns par rapport aux autres. Il faudra toujours des cycles dominants, surtout lorsqu’on débute.
Il est donc conseillé de tester des cycles d’une durée de 3 semaines. La première sera à 100 %, la seconde à 80 % et la dernière à 30 %. Ensuite, il vous faudra créer un « break », pendant quelques jours, ou quelques semaines selon l’intensité du cycle, pour donner « l’ordre au corps » de lancer le processus de régénération, et plus tard la surcompensation. Attention, il ne faut pas s’arrêter de grimper ! Mais si vous venez de planifier 3 semaines de concentrique maximal, évitez de faire du « no foot » avec des mouvements très éloignés sur de mauvaises prises…
Ces cycles dominants vont devenir « l’ossature » de votre planification, il faudra tout articuler autour. Nous évoquerons plus tard les cycles inversés.
Le premier cycle
Le premier cycle est important. Vous avez le temps (en général, on ne commence pas une planification physique un mois avant une échéance importante !), ne vous précipitez pas ! Plusieurs options :
- Tenter un petit cycle de « remise » en forme. Des séances à 30 ou 80 %, une fois par semaine pour chaque méthode. Par exemple, le mardi concentrique maximal à 30 %, et le vendredi statodynamique 30 %. La semaine suivante, passez à 80 % par exemple pour l’une des méthodes. Vous pouvez faire cela pendant 3 ou 4 semaines.
- Commencer un cycle de réveil musculaire, type statodynamique, qui surcompensera très vite, et qui permettra de « booster » votre grimpe.
- Faire quelques petits tests … Prenez une méthode qui vous semble importante pour la suite, essayez de caler deux séances en jouant sur une petite surcompensation. Par exemple, une séance de suspensions en tendu à 80 % (isométrie maximale), et une à 30 % 7 jours après. Cependant, créer un tel cycle demande de l’expérience et nécessite de maîtrise le contenu des séances d’escalade, histoire de ne pas fausser vos calculs…
Cycles inversés
Les cycles inversés viennent tout simplement « compléter » les cycles dominants, quand c’est possible bien évidemment. On procède donc de la manière inverse :
Première semaine : 30 % (cycle dominant 100 %)
Deuxième semaine : 80 % (cycle dominant 80 %)
Troisième semaine : 100 % (cycle dominant 30 %)
C’est plus intéressant de fonctionner ainsi, car la fatigue est bien moins importante. Néanmoins, il faut savoir que :
- Les surcompensations des cycles inversés ne sont pas tout à fait les mêmes que les cycles dominants. Il faudra parfois bien observer ce qu’il se passe.
- Vous ne devez pas mettre en concurrence deux méthodes trop proches, pour ne pas rajouter du volume inutilement.
D’un point de vue pratique, on peut envisager par exemple :
- Du statodynamique pendant un cycle de concentrique maximal : on vient « redonner » de la vitesse de contraction.
- Des montées de planches pendant un cycle d’isométrie totale (qui peut être éprouvant) : les groupes musculaires sont différents, et cela évite de travailler encore sur les doigts ou sur les bras…
Compléments de cycles
On ne peut pas toujours se permettre de faire des cycles inversés. À partir d’un certain niveau, cela n’a pas un grand intérêt non plus… Il faut donc profiter d’une dominante, et entretenir ponctuellement quelques qualités physiques. Pour cela, pas besoin de planifier 2 séances par semaine pendant 3 semaines ! C’est d’autant plus vrai lorsqu’on se rapproche d’une échéance. Faites une ou deux séances de gainage, une ou deux d’explosivité, pourquoi pas une séance d’isométrie maximale, etc.
On peut aussi se permettre d’inclure des méthodes qui ne méritent pas de surcompensation. Par exemple, le travail de certains muscles antagonistes (les triceps en bloc), ou le travail des jambes, ou tout simplement un renforcement particulier (on pourrait imaginer un renfort du tibial antérieur pour les crochetés de pointe !), de la proprioception, etc.
Les cycles dominants sont faciles à placer (encore faut-il avoir fait les bons choix !). Le reste, c’est du réglage, du calage, du complément. On parle souvent de surcompensation, mais rien ne sert de la chercher à chaque fois !
Les séances mixtes
Il peut être très intéressant de coupler des séances, surtout lorsque vous n’avez pas beaucoup de temps pour vous entraîner. Si c’est une contrainte dès le départ, la planification sera d’autant plus difficile ! Lorsque les méthodes ne se « dynamitent » pas, ce n’est pas un problème.
Les séances mixtes ont un immense intérêt : elles peuvent permettre de travailler différents régimes de contraction, et les muscles adorent ça ! Ne faites pas les mêmes exercices pendant trois semaines, vous risqueriez d’avoir des surprises sur la surcompensation ! Profitez-en pour varier : un peu d’isométrie, de statodynamique, de la pliométrie, du concentrique, et pourquoi pas un peu d’excentrique léger.
On utilise aussi les séances mixtes lorsqu’on est fatigué. Si ce sont deux séances à 30 %, autant les faire en « même temps », histoire de se donner un jour de récupération nerveuse en plus dans la semaine.
Évidemment, lorsqu’il s’agit de séances à 80 % et 100 %, il ne faut pas s’amuser à les coupler. Pour certaines méthodes, on peut largement envisager 100 % + 30 %, ou 80 % + 30 %.
Placement des séances
Une règle d’or : au moins 48 h de repos entre deux séances de même nature, ou identiques. Idéalement, on peut même planifier 72 h pour des séances à 100 %. Cela dit, rien ne vous empêche d’insérer entre les deux une méthode différente, bien au contraire ! L’idéal, c’est quand même de tout caler entre le lundi et le vendredi, pour laisser le week-end totalement libre, et sans musculation.
Essayez de tenir compte du placement des séances dans la semaine précédente, pour homogénéiser la planification.
Pour certains grimpeurs, il peut être intéressant de caler des séances pour habituer le corps à réagir à du « spécifique ». Par exemple, si cela se justifie, on pourrait envisager deux séances de rési à la suite, lundi et mardi.
Cumul de cycles, prudence…
Les cycles dominants sont importants, mais sachez estimer leurs conséquences, énergétiques ou nerveuses. C’est assez difficile au début, mais on finit par ne plus trop faire d’erreurs ! Typiquement, vouloir enchaîner absolument isométrie maximale des doigts, puis isométrie totale des doigts, ce n’est pas une bonne idée.
Parfois, il faudra même envisager de ne pas planifier de cycles dominants, mais des méthodes isolées, ou des cycles raccourcis, pour permettre au corps de récupérer, ou de garder des forces pour une échéance. Là commence la véritable planification ! Parce que ce serait trop simple d’avoir le choix : dates des objectifs, contraintes professionnelles, maladie, etc.
Volume
4 séances de préparation physique par semaine semblent être un maximum pour bien des grimpeurs. Souvent, il s’agira d’en planifier 3 ou 4. À haut niveau, on peut éventuellement augmenter un peu le nombre (5, voire 6), mais en diversifiant, et sans chercher des surcompensations : renforcement, proprioception, etc.
Finalement, le nombre de séances de préparation physique devrait être égal ou inférieur au nombre de séances de grimpe (mais pas la durée !). C’est une bonne base, et il ne faut surtout pas envisager l’inverse.
D’autre part, si le grimpeur peut augmenter son volume d’entraînement, autant laisser la place à la technique, avant tout…
Conclusion :
Ceux qui pensent que le physique ne sert à rien sont souvent ceux qui ne le maîtrisent pas. Ceux qui pensent que le physique est primordial ne réussissent pas toujours, surtout sur le long terme. Ceux qui pensent que leur niveau physique n’est pas suffisant ne progressent plus. La préparation physique doit être la colonne vertébrale de l’entraînement, parce qu’elle est difficile à planifier. Mais elle n’est surtout pas le pilier d’une progression. Bien se préparer physiquement permet de dégager du temps pour la technique, le mental, la tactique, la récupération, etc. C’est la limite du métier de préparateur physique… il faut toujours faire le lien avec l’entraînement (et la compétition !), ne jamais croire que le physique fait tout, même si vous progressez avec votre planification. Vous risquez de devenir un champion de l’entraînement, rien de plus, et ce n’est pas la finalité. C’est le problème de l’entraînement libre en escalade. Combien d’entraîneurs pour combien de grimpeurs ? Combien de grimpeurs s’entraînent ? Combien de grimpeurs disent s’entraîner alors qu’ils ne font que du physique ? Être préparateur physique en escalade n’est pas être entraîneur. Être préparateur physique en escalade, c’est répéter sans cesse aux grimpeurs que le plus important, c’est l’escalade. Être préparateur physique en escalade n’est finalement pas possible, et vous vous rendrez compte dans votre auto-entraînement. Et cessons les préjugés sur la musculation !
La suite : vous avez toutes les cartes en main pour bien intégrer le reste.
La partie technique : cette partie ne concerne que la technique proprement dite. Si vous souhaiter planifier sans aucune préparation physique, la technique devient « l’escalade + la gestuelle ». Dans ce cas poursuivez sur cette page