
Au début, vous tombez un peu par hasard (ou pas !) sur le site www.prepagrimpe.com, ou bien vous feuilletez quelques ouvrages spécialisés sur la préparation physique. Les yeux brillent un peu, les surcompensations, ça a l’air génial ! Et en plus, c’est scientifiquement prouvé ! Le phénomène de surcompensation est prouvé, oui, mais les délais annoncés sont surtout basés sur des statistiques, des probabilités. « Surcompensation », « effets immédiats », « effets retardés »…si seulement c’était aussi simple que cela… ! Et puis, une question n’est jamais abordée : combien de temps dure une surcompensation ? Et puis encore une autre question : « quand repartir sur un autre cycle ? Bref, sur le papier, ça fait rêver. Au début ! Après, le rêve laisse place à la prise de risque plus ou moins mesurée, à toutes sortes de projections en tout genre, d’extrapolations tirées de l’expérience, d’échanges avec les sportifs. Le cerveau bouillonne un peu, la tête s’embrume de magnésie, le cœur s’emballe, on attend le futur plus ou moins proche avec impatience. Bienvenue dans le monde de la préparation physique ???
Les surcompensations :
1 séance par semaine pour une même méthode ? Deux ? Trois ? Cumuler les effets de 2 méthodes différentes sur un cycle ? Quelle est la part d’influence d’une méthode sur une autre méthode ? Sur une surcompensation ? Comment déclencher un processus de surcompensation, donner au corps « l’ordre » de se « régénérer ? Que faire pendant ce temps-là ? Pendant combien de temps ? Est-ce que cela dépend des grimpeurs ? Des méthodes ? Comment grimper à côté ? Comment mixer escalade et préparation physique ? Inutile de poser d’autres questions, elles ne manquent pourtant pas. Pourquoi vous noyer dans ce flot un peu salé et indigeste ?
Pour répondre à une seule question : comment devenir un bon préparateur physique ? En observant, en essayant de comprendre, sans appliquer bêtement ce qu’on trouve dans les livres. Pourquoi www.prepagrimpe.com indique sur le site que les effets immédiats du concentrique max se font ressentir 7 à 10 jours après ? Qu’il faut attendre 6 semaines pour surcompenser après un cycle ? D’où sortent ces données ? On pourrait dire que ça provient du CEP à Dijon (http://expertise-performance.u-bourgogne.fr/), d’une formation à la Gilles Cometti. Oui, on pourrait. Ai-je pris le temps de vérifier ces données ?
Alors, honnêtement, combien d’entre vous se sont déjà fait la remarque : « il a craqué, je ne trouve pas du tout que ça fonctionne », ou encore « moi je surcompense bien plus tôt ». Alors je vous renvoie à la liste non exhaustive de questions citées au début du paragraphe. Et je vous rassure tout de suite, de mon côté aussi je ne vérifie pas toujours ces résultats sur le terrain. Je ne vérifie pas, mais je me dis aussi que nous sommes bien loin des salles de musculation, des laboratoires, supports de tests et de protocoles, à la fois scientifiques, réalistes ou empiriques. Je ne remets nullement en question ces données. Jamais. Mais j’essaie de les replacer dans leur contexte. Ici, on est dans la vraie vie, pas dans la recherche (attention, je ne tape pas sur les chercheurs, bien au contraire !).
L’exemple du concentrique volontaire maximale :
Surcompensation d’un cycle au bout de 6 semaines ? Non, pas vraiment, pas souvent. Imaginons un cycle de 3 semaines, à raison de 2 séances par semaine (une semaine avec 9 répétitions par séance, une autre avec 6, la dernière avec 3). Je suis presque certain que vous obtiendrez une surcompensation bien avant 6 semaines, probablement au bout de trois. Pourquoi ?
Le concentrique max devrait en théorie être réalisé sur une machine de musculation, de telle sorte que le poids que vous « tractez » vous permette de réaliser au maximum 2 tractions complètes à chaque répétition. Alors, vous qui travaillez la traction à un bras avec une aide (élastique, ou petite prise, êtes-vous certain de doser votre effort pour être à 100% de votre force max ? Pas si sûr hein ? Voilà déjà une partie de la réponse, en fonctionnant ainsi, vous êtes peut-être à 90% de votre force maximale. Et ça change tout.
Il existe d’autres paramètres à prendre en compte, évidemment, mais cela vous montre à quel point la réflexion permet d’expliquer certaines différences.
Un autre exemple : l’isométrie maximale des fléchisseurs des doigts :
On parle ici de tenue de prise. Surcompensation d’un cycle : 9 semaines. Comment faire le cycle ? Sur des prises différentes ? En arqué ? Tendu ? Semi-arqué ? En variant ? Déjà avec ces questions, on s’éloigne des 9 semaines. Autre réflexion, lorsque vous vous suspendez à un bras, quel est le facteur limitant ? Vos avant-bras ? Pas pour tout le monde. Certains tournent, vrillent, se tordent, glissent, se crispent au niveau cervical… La surcompensation est bien plus rapide que 9 semaines en général.
Conclusion :
Sur le terrain, on entend pas mal de discussions contradictoires. Certains font des séances de poutre parce qu’un tel lui a dit qu’il fallait faire ça, sans même préciser le «quand », et le « combien de fois ». Bizarrement, à mon grand étonnement, l’impact mental doit être surpuissant car ces grimpeurs disent toujours « ouaa, ça marche trop bien ». Alors, si j’étais un peu pénible, je leur répondrais par exemple : « ah oui ? Et ça fonctionne combien de temps ? ».
D’un autre côté, on trouve aussi dans les salles quelques grimpeurs surfant sur la toile et qui vous disent : « pff, ça ne fonctionne pas, c’est des conneries ». En général, ils ignorent même qui je suis, ça rend les choses plus objectives, j’adore. Je pourrais leur demander de préciser : « qu’est-ce qui ne fonctionne pas ? », ou « Tu as essayé plusieurs fois ? », ou encore « que ressens-tu ? ». D’ailleurs, ce sont aussi ces mêmes grimpeurs qui disent que le physique n’est pas important, que tout est dans la tête et la technique. Alors, question subsidiaire : « et tu la travailles la tête ? ».
Aucune méchanceté de ma part, loin de là. Ces deux exemples montrent bien à quel point les grimpeurs attendent du « tout cru ». Ce qui se passe après importe peu (même si je préfère le premier cas !).
La préparation physique n’est pas si scientifique que cela.
Cet article pose bien plus de questions qu’il n’apporte de réponses.
Le monde de la préparation physique est à mon sens passionnant parce qu’il se greffe à la pratique, pas à la recherche. Oui, nous avons aussi des rêves. Heureusement. Nous prenons des risques, que nous mesurons toujours au mieux. Nous respectons vraiment ceux qui cherchent, prouvent. Il n’est pas simple d’avoir « entre ses mains » le niveau de forme d’un sportif, de tout faire pour qu’il ne se blesse pas mais qu’il progresse et qu’il prenne du plaisir à s’entraîner. De petits moments de stress mais souvent de belles réussites, sportives ou humaines.
Octobre 2014 :
- Allo ? Thomas ? C’est Guillaume. Je me suis blessé à l’épaule.
- …
- Je me suis pris un arbre en VTT, je crois que c’est luxé
Autant vous dire que le premier sentiment honteux et animal qu’on ressent à ce moment-là, avant même de prononcer le moindre mot, c’est : OUUUUUUUUFFF ce n’est pas de ma faute ! Pardonne-moi Guillaume 🙂 !