
Un titre un peu ambigu. À double tranchant. Un titre qui incite à un merveilleux bivouac. Vous aimez camper sur vos positions ? Confortablement ? Alors, installez-vous sur votre pad, sur un tapis d’aiguilles de mélèzes, sur un matelas de sable fin, une herbe grasse et fleurie. Détendez-vous. Encore. Bien plus encore. Vous êtes bien ?
Changement de programme, je vous vois venir. Préparation physique versus préparation mentale ? Les uns diront que le physique ne sert à rien ; les autres diront que le mental, c’est un joli morceau de flûte. Les uns verront un bourrin passionné de musculation ; les autres s’imagineront un beau parleur aux métaphores inutiles. Si vous en êtes à ce stade, si vous songez à ces préjugés malhonnêtes, alors vous faites fausse route. Si vous vous questionnez encore sur l’intérêt de l’une ou de l’autre, vous avez quelques dizaines d’années de retard. Attention, départ immédiat, on lève le camp !
Quelle direction prendre ?
1/02/2015, la France devient pour la 5ème fois de son histoire championne du monde de Handball. Faire la différence entre un groupe et une équipe, ce n’est déjà pas simple. Alors enchaîner les titres mondiaux et olympiques, en intégrant de nouveaux joueurs, c’est encore plus compliqué. Cette équipe de France est admirable. Soulignons un point un peu méconnu de leur préparation physique (et pas uniquement de leur entraînement) : le mental.
Oui, le mental. Savez-vous qu’en soulevant des charges monstrueuses, les joueurs intègrent de l’imagerie mentale ? S’imaginer en plein match, alors que vous donnez le meilleur de vous-même sur une machine, ça peut paraître ridicule. Alors, ça sert à quoi ? La motivation ? Donner du sens ? Faire passer un mauvais (?) moment ? Se mettre « dans sa bulle » ?
La voie rapide nerveuse
Le développement de la force est principalement lié aux facteurs nerveux. Excepté les boucles de type « réflexe », c’est bien notre cerveau qui innerve nos muscles. L’information vient de notre cortex. D’ailleurs, bien se reposer en musculation, c’est récupérer nerveusement. L’efficacité de certaines méthodes utilisées en préparation physique dépend directement de l’intention de départ, cette volonté de tout donner, absolument tout donner. C’est notamment le cas du stato-dynamique et du concentrique maximum volontaire.
L’imagerie mentale, enfin, sort de l’image (!) qu’on lui attribue trop facilement : yeux fermés, avec une musique douce, dans un fauteuil. Bien sûr, elle peut se faire de cette manière, dans un but de relaxation par exemple, mais elle ne doit pas se limiter à cela. Bien au contraire ! Elle doit s’apprendre les yeux ouverts, sur le terrain, avec le cœur à 180, les mains moites, pourquoi pas. Elle doit s’intégrer aux entraînements, très largement, pendant certaines phases de repos par exemple. Savez-vous que les dernières études en imagerie mentale montrent qu’en rééducation les patients progressent en gain articulaire en travaillant en imagerie ? Bien sûr, ce n’est pas de la magie, et il ne faut pas s’attendre à faire des miracles non plus. Mais notre cerveau est à la base de tout cela.
Concrètement, cela signifie qu’en associant l’imagerie à la pratique, y compris en préparation physique, il nous est possible de progresser encore plus rapidement, peut-être en recrutant de nouvelles unités motrices, peut-être en donnant effectivement un sens à ce que nous faisons. C’est le même principe dans le monde de l’entreprise non ? Connaissez-vous beaucoup de salariés qui s’investissent à 100 % pour les beaux yeux du patron ? Connaissez-vous des sportifs qui négligent l’entraînement ? L’entraîneur dictateur, le manager autoritaire, le patron qui fait peur, c’est fini. Expliquons ce que nous faisons. Pourquoi. Comment. Si possible.
Le nouveau paysage de la préparation physique
Le nouveau titre des handballeurs n’est qu’un exemple pour illustrer cet article. En France, y compris dans les systèmes fédéraux et les clubs professionnels, on continue de séparer le staff et les sportifs. On ne responsabilise pas suffisamment nos protégés. Combien sont les préparateurs physiques qui ne pensent que « physique », et qui négligent le travail des préparateurs mentaux ? Combien sont les entraîneurs qui prétendent maîtriser le physique ? Combien sont les dirigeants qui refusent de débloquer des budgets pour les kinés ? Combien sont les psychologues du sport qui écrasent le travail des préparateurs mentaux ? Combien sont les préparateurs mentaux qui ne pensent que « Yogume » (Yoga et légumes, pour reprendre l’expression de Gad Elmaleh) ? Et que dire de ces rivalités stupides entre les médecins et les autres professionnels de santé ? Entre les cadres nationaux et les indépendants ?
Imaginez seulement les possibilités qui pourraient s’offrir à nos sportifs ! Les « coachs » nous balancent à chaque interview l’importance du travail qualitatif. Est-ce que le qualitatif est leur qualitatif à eux ? Est-ce la somme, la quantité des différents travaux qualitatifs du staff, du quantitatif de qualitatif en quelque sorte ? Est-ce que le qualitatif, ce n’est pas finalement d’apprendre à travailler main dans la main, en mélangeant nos compétences, tout en respectant le travail de chacun ? Qui du sportif ou de l’entraîneur a l’ego le plus démesuré ? Le narcissisme cache-t-il un excès de confiance, ou un manque de confiance en soi ?
L’avenir de la préparation physique passera nécessairement par le mental, l’imagerie n’est qu’une infime partie de cet axe de progression. Si le voyage vous a semblé un peu trop « fantastique », c’est pour une seule et unique raison : fixons des objectifs réalistes, mais préservons nos rêves.
Nos grimpeurs auront un jour des objectifs de sensations en musculation, ils cesseront de venir à l’entraînement avec des pensées négatives, ils apprendront à se concentrer sur une partie infime de leur corps en faisant la planche, ils se suspendront sur des réglettes en pensant à leur projet du moment, ils seront capables de gérer leurs émotions, de diminuer les douleurs, ils profiteront des longs repos entre les répétitions, ils seront en mesure de décrire précisément ce qu’ils ressentent à leur kiné, ils viendront sur la poutre avec un poids en moins… celui du regard des autres. Ces autres qui énervent, qui ne comprennent pas. Pourquoi s’entraîner. Pourquoi le physique.
Tout le monde ne travaille pas le physique, mais tout le monde travaille le mental. Tendez l’oreille, écoutez toutes les excuses qui se mêlent aux nuages de magnésie. Certains travaillent le mental, oui. Ils apprennent à perdre. À échouer. Le mental est loin d’être une priorité, mais chacun pense que la différence se joue dans la tête. Paradoxe certain. Le travail mental, bien sûr, c’est pour celui qui ne va pas bien. Bien sûr. Bien sûr. Alors, nous sommes loin d’intégrer le mental aux planifications physiques. Nous sommes loin d’embaucher des préparateurs mentaux d’entraîneurs. Mais une chose est sûre, nous devrons aussi apprendre à muscler notre cerveau.
Pour la préparation physique, c’est sur www.prepagrimpe.com
Pour la préparation mentale, c’est aussi sur le même site, mais la rubrique est en préparation (physique) 🙂
Bonne grimpe à toutes et tous !