
Un témoignage. Une confidence. Une confusion. Le physique et le mental ne font qu’un ?
Je me souviens avoir entendu plusieurs fois, durant mon enfance, que Saint Thomas ne croyait que ce qu’il voyait. Si je suis loin d’être un saint (facile à vérifier…), je me pose tout de même une question : et si on m’avait conditionné ? Et si on m’avait incité à ne croire que ce que je voyais, que ce que je vivais, ce que j’observais ? A valider, à vérifier. Peut-être. L’inconscient nous réserve quelques surprises, et bien des années d’adulte plus tard, je me souviens de ceux qui ont prononcé ces mots. Je me souviens de l’ambiance, de la luminosité, peut-être même de la température. Vous avez déjà connu ce sentiment, n’est-ce pas ? Cette phrase, aussi stupide soit-elle, m’a marqué. A plusieurs reprises. Pourquoi ? Je n’en sais rien.
Alors oui, on ne me fait pas croire n’importe quoi.
Mai 2015.
Pour la première fois, je me sens à l’aise avec ce sentiment d’un avenir proche différent, j’ose dépasser ma peur, affronter un éventuel échec. Je dispense un cours dans une école de commerce, de communication managériale plus précisément (une partie de la préparation mentale, organisationnelle, est très proche du quotidien d’un manageur). Le cours précédent m’a renvoyé une image évidente : en face de moi, des étudiants prétentieux. Prétentieux dans leur manière d’apprendre, de traiter les informations. « C’est bon, la communication c’est de l’impro » doivent-ils se dire. Le PowerPoint n’y changera rien. « Nous, on sait ». « On a déjà eu des cours de comm ». L’importance des mots ? De la posture ? De la distance ? Des questions ? L’intonation ? Je les comprends un peu. Bien sûr. J’aime cette prétention enfantine, celle qu’on retrouve dans le milieu professionnel, lorsque les étudiants fraîchement diplômés d’écoles de commerce ou de management découvrent que les cours ne leur serviront que bien plus tard. Plus tard, oui. Parce qu’avant de pouvoir appliquer des méthodes, des modèles, il faut apprendre à communiquer. A observer l’Autre. Les théories ne valent que si l’humain est correctement appréhendé. On n’apprend pas le métier de manager, on devient manager. Ce qu’on apprend confirme, conforte, accélère, ouvre, libère, protège. Mais il faut passer par le terrain.
Alors durant ce cours, fort de ce sentiment nouveau, je me décide à agir, à démontrer. A provoquer. Cette fois, je suis confiant. Un étudiante me pose une question « est-ce que vous avez une technique pour regarder les gens dans les yeux, je n’y arrive pas ». J’ai répondu, mais avec une idée derrière la tête. Plus grande. Plus belle.
Les cas concrets entre étudiants ne suffiront pas, je vais m’employer à mon tour. Je leur montre une première forme d’entretien avec un premier volontaire, des questions directes, je suis directif mais souriant, j’obtiens du quantitatif. Voilà, je lui ai posé des questions, et j’ai obtenu des réponses. On débriefe le cas, posture, voix, distance, petit effet miroir.
Second cas, je demande à l’étudiante de tout à l’heure de s’installer. J’enlève la table et me place face à elle, légèrement décalé. Je lui pose des questions, des questions qui l’invitent à réfléchir. Qu’est-ce qu’elle ressent quand elle fait du sport ? Comment sait-elle qu’elle aime vraiment ? Rien de trop personnel, à vrai dire elle peine à me répondre. En quelques minutes, ses paupières tremblent fortement, je lui fais remarquer. Et puis, au fil des minutes, juste en lui parlant, j’enchaîne des suggestions plus directes : un doigt qui bouge tout seul, un bras incontrôlable, une tête qui penche sans pouvoir la maîtriser. On poursuit. Autour d’elle, dans la salle de classe, je vois certains étudiants transpirer, presque blancs. Il se passe quelque chose. Oui. Je finis par clôturer l’entretien et lui fait remarquer à quel point elle me fixe dans les yeux, déterminée. Un regard perçant. Etrange non, pour quelqu’un qui n’en était pas capable ?
C’est la pause. Tout le monde me questionne, je ne fais que répéter la même phrase : « vous voyez, je lui ai juste parlée non ? Quand je vous disais qu’on pouvait faire passer des messages en faisant attention à la manière de communiquer ».
Le PowerPoint prend tout à coup du sens.
Un peu plus tôt, au printemps
Une séance expérimentale, plus complexe, plus complète. Mais une séance qui restera à jamais gravée dans ma mémoire. Dans nos mémoires. Un travail en collaboration avec un kiné, à propos d’une blessure probablement somatisée…
Voici le bilan du kiné avant la séance :
« La patiente souffre de son épaule gauche, de manière récurrente, mais non permanente, par phases de quelques jours ou quelques semaines. Ce sont systématiquement des mouvements de force en escalade dits « en épaule » qui déclenchent un épisode douloureux. Ces mouvements partent d’une position d’abduction à 90° minimum de l’épaule, main au-dessus de la ligne des épaules, coude plus ou moins fléchi entre 0° et 110°, et la contraction alors effectuée est une traction de la main sur la prise vers le bas et vers l’arrière, ce qui bien évidemment a un effet luxant vers l’avant de l’articulation gléno-humérale, puisque l’articulation prend appui sur sa butée postérieure, alors la suite du mouvement de rétropulsion du bras en arrière du plan frontal se fait aux dépends d’une projection vers l’avant du moignon de l’épaule et d’une mise en élongation de son plan antérieur. Si ce plan ligamentaire antérieur de l’articulation gléno-humérale est pathologique, il s’en trouve une nouvelle fois étiré, voire lésé, et l’épaule rentre dans un épisode douloureux et convalescent. Lors de ces épisodes, l’épaule est inconfortable tout le temps, et vraiment douloureuse sur les séances d’escalade et les heures qui suivent, mais aussi sur certains gestes plus anodins, ou certains temps de postures. Elle présente aussi des douleurs nocturnes, en procubitus ou en décubitus latéral gauche. La douleur est de localisation fluctuante, elle peut être dans le « V deltoïdien », sur la pointe de l’épaule en regard de l’articulation acomio-claviculaire, ou encore dans le plan antérieur de l’épaule plus précisément dans la gouttière du tendon du long biceps. Dans ce 1er temps, nous observons une épaule dire « traumatique », c’est à dire dans un schéma classique de protection des blessures du membre supérieur. L’épaule se positionne alors spontanément d’une manière ascensionnée et déjetée en avant. La palpation nous indique un état de tension excessif dans tous les muscles rotateurs, supra épineux, infra épineux, petit rond, sub scapulaire, biceps. Des tensions musculaires sensibles dans les scalènes descendent des cervicales pour ascensionner cette épaule en tractant vers le haut la clavicule, l’omoplate à travers l’angulaire de l’omoplate, et les 2 premières côtes. Les tests de mobilités comparatifs nous montrent une épaule gauche à laquelle il manque 15° de rotation externe coude au corps fléchi à 90°, et 15° d’élévation. L’abduction totale est sensible en butée. La rotation interne/rétropulsion est normale et symétrique. »
S’en suit alors une séance avec la patiente, une séance mystérieuse ou nous parlons, où j’observe, où la poésie se mêle à la situation. Il est 22h, nous sommes trois, dans la salle du kiné. Il manipule la patiente, mes deux compagnons ont les yeux fermés. J’attends. Et enfin, la séance se termine. Fin des suggestions, fin des questions étranges, fin de la poésie.
Nouveau bilan du kiné :
« Dans un second temps, suite à l’intervention de Thomas, nous revenons vers la patiente et constatons à la palpation un relâchement net des tensions musculaires dans tous les muscles rotateurs. Cette épaule semble plus libérée de ses contraintes musculaires, et les tests des amplitudes nous le confirment en nous montrant une épaule qui a récupéré alors la totalité de ses amplitudes, tant dans la rotation externe que dans l’élévation maximale. Nous pouvons donc bien affirmer que ces limitations d’amplitude et cette attitude vicieuse de l’épaule étaient effectivement dues à un système d’hypertonie musculaire mis en place par le SNC pour protéger l’épaule d’une éventuelle nouvelle blessure. La blessure en elle-même n’existe pas vraiment puisque la détente de ce système de protection suffit à récupérer la normalité articulaire. Et nous pouvons aussi affirmer que l’intervention de Thomas a permis la levée de ce système d’hyper programmation musculaire protecteur sur l’épaule gauche de notre patiente. »
Une blessure qui n’existe pas vraiment… ?
Que s’est-il passé ?
Effet placebo, sophrologie, mindfullness, relaxation, hypnose, imagerie mentale, tests psychologiques, méthodes machin ou bidule…Tous ces termes me font peur, ils sont chargés en préjugés, ils questionnent alors qu’ils ne devraient pas. D’ailleurs, la préparation mentale questionne en général. Elle apeure, souvent.
Aujourd’hui, me voilà touché en plein cœur. Obligé d’admettre. De constater. De croire ce que j’ai vu. Cette année, j’ai complété ma formation par un Diplôme Universitaire. Lors de l’examen final, on m’a posé cette question (il s’agissait d’un cas concret, réel, tiré au sort) : quelles méthodes utiliseriez-vous avec ce sportif ? Même les préparateurs mentaux semblent se réfugier derrière des méthodes, des méthodologies, des outils, pour être crédibles ? « Je ne peux répondre à votre question sans avoir vu ce sportif, sans lui avoir parlé… ». La base de toute réussite, c’est la communication. Parfois, c’est simple. Parfois non. Communiquer, c’est presque déjà réussir. Qu’on nous fiche la paix avec ces histoires de méthodes. Qu’on nous laisse échanger avec l’autre.
J’ai choisi ces deux exemples pour vous faire passer un message fort. L’entraînement, les exercices, tout cela n’est vraiment utile que si on y croit vraiment, pour soi, et pas parce que les autres le font. Il n’existe pas de bons ou mauvais entraîneurs. Tous sont formés. Ce site, prepagrimpe.com, et surtout ce blog, viennent appuyer des théories et renforcer des données. J’essaie d’y faire passer des messages, un état d’esprit, presque une philosophie. Les statistiques ne mentent pas. Mais je peux vous assurer une chose : si à la lecture de cet article vous vous sentez un peu étrange, alors vous êtes prêt à progresser encore plus. La communication passe aussi par l’écrit. Il faut ressentir chaque mot, l’estimer, l’entendre résonner. Aujourd’hui, je n’ai aucun doute : ceux que je suis en préparation physique, ceux qui réussissent, ont pleinement associé mon état d’esprit, peut-être même ma voix, aux différents exercices. Comme une aide. Une voix qui les accompagne.
Il s’agissait bien d’hypnose. Le nom pourtant importe peu. Cet article, un peu différent, loin des données scientifiques, restera en vous. Pour longtemps. Dans un coin de votre tête. Que vous croyiez ou non en l’hypnose, vous arriverez à en tirer parti. Lorsque vous réussirez un petit ou un grand quelque chose, sans trop comprendre, vous aurez un petit sourire qui vous ramènera ici. Là. Nous sommes tous ces étudiants prétentieux, nous pensons tous savoir parce que nous avons appris. Nous répétons souvent que «c’est dans la tête », n’est-ce pas ? Oui. Oui, c’est dans la tête. Justement. Il ne s’agit pas de croire à ces histoires, absolument. Les lire, simplement, suffira.
Si, enfant, on m’avait dit que Saint Thomas aimait écouter, observer, et accorder de l’importance aux Autres, je ne serais peut-être jamais devenu préparateur physique. Aujourd’hui, le physique et le mental ne font qu’un. Conclusion évidente ? La réponse est en vous. Vraiment en vous.
Vous pensiez à quoi quand vous faisiez du concentrique max ? Maintenant, vous aurez ces quelques lignes dans la tête. Vous allez connecter vos envies à vos muscles. Des envies nerveuses. Fortes. Rapides. Le plaisir n’attend pas.